La culture judéo-hispano-marocaine est riche de plus de cinq cents ans d’histoire. Elle s’est forgée, après l’expulsion des juifs d’Espagne et du Portugal en 1492 et 1496, en alliant la fidélité à une mémoire péninsulaire aux apports multiples trouvés ou retrouvés de l’autre côté du détroit de Gibraltar. La ḥ aketía (langue des juifs hispanophones du nord du Maroc et de la région d’Oran) en est le reflet; à partir d’un socle d’espagnol médiéval et d’hébreu, elle s’est enrichie de portugais, de beaucoup d’arabe, de tamazight, d’espagnol moderne et de quelques mots d’anglais. C’est une langue « ineffable autant que méconnue », selon l’écrivain tangérois Ángel Vázquez (1976), mais restée majoritairement orale. Le départ massif des juifs du Maroc au milieu du XXe siècle et leur dispersion dans le monde (Canada, États-Unis, Venezuela, Israël, Espagne, France, etc.) a eu un effet paradoxal : il a grandement fragilisé cette culture et sa langue, mais a provoqué dans le même temps une prise de conscience de sa valeur longtemps dépréciée dans un contexte colonial. Elle a joui ainsi d’un sursaut d’intérêt dans cette nouvelle diaspora ; de nombreuses initiatives ont pu voir le jour à partir de la fin des années 1970, telles que la création d’associations, d’événements communautaires, la production de spectacles, de textes littéraires, d’études scientifiques, notamment au Canada et au Venezuela, en Espagne, en France, en Israël et au Maroc. Depuis le début du XXIe siècle, nous assistons à une intensification des actions de sauvegarde de son patrimoine matériel et immatériel extrêmement menacés dans tous les pays de sa diaspora et au Maroc. Il s’agit souvent de projets individuels, mais aussi d’une volonté déclarée de la part des plus hautes instances des pays, notamment du Maroc, de l’Espagne et d’Israël. Parmi les réalisations les plus notables et récentes, citons l’ouverture du musée Beit Yehouda à Tanger (2022). Dans la grande urgence liée à l’extrême fragilité de cette langue et de sa culture, nous avons conscience de vivre un moment de transition rapide entre transmission mémorielle et patrimonialisation. Notre colloque veut rassembler les acteurs et les observateurs des initiatives de préservation de la culture juive hispanophone du Nord du Maroc aujourd’hui, afin d’interroger cet élan historique et le donner à voir. Nous aborderons des aspects concernant le patrimoine matériel (lieux, objets) et immatériel (langue, représentations littéraires et cinématographiques, récits historiques), ainsi que les aspects sociaux, confessionnels et politiques de cette question.
Langues : français, espagnol, anglais, ḥ aketía.
Comité scientifique:
Oro Anahory-Librowicz, Université de Montréal, fondatrice du groupe Gerineldo
Abraham Bengio, Ancien Drac, Directeur général adjoint honoraire de la Région Rhône-Alpes
Yaakov Bentolila, Université Ben-Gourion du Néguev, Institut Gaon pour la Culture du Ladino, Académie de la LangueHébraïque et Académie Nationale du Ladino en Israël ; Membre correspondant de la Real Academia Española
Carlos Lévy, Université de Paris-Sorbonne, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (France)
Line Amselem-Szende, UPHF, LARSH-DeScripto
Contact: prescilia.birembaut@uphf.fr / line.amselem-szende@uphf.fr
PROGRAMA