Les Juifs se souviennent, l’Italie s’émeut. 26 janvier 2012

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L’année passée, nous avions été invités par le Centre Cuturel Italien et l’Anpi, l’Association nationale des Partisans d’Italie, section belge, à la journée de la Mémoire. Pour rappel, signalons que cette journée décidée par l’ONU en 2006 était d’application dans certains pays de l’Union européenne dès 2003 mais que le Parlement italien l’avait décidée déjà en 2000 !

J’avais été étonné de constater que je l’avais appris par une organisation juive de gauche.

J’avais été frappé du manque de Juifs participants à cet événement. A part un ou deux, épars dans la salle, j’avais aussi été surpris de constater l’absence de déportés et celle, totale, de ceux originaires de Rhodes, Juifs italiens qui sont, hélas,  généralement négligés.

Permettez-moi une parenthèse : j’ai assisté à la commémoration de cette journée de la Mémoire au Parlement européen le mardi 24 janvier. Les laissés pour compte étaient, une fois encore, une fois de plus, le monde sépharade, l’éternel oublié de l’Histoire !

J’ai contacté le Secrétaire général de l’ANPI et lui ai fait part de ma stupéfaction. Roberto Galtieri, un humaniste au grand coeur, tombait des nues. S’il savait que Rhodes fut italienne, il  ignorait que des Juifs  habitaient l’île des Roses depuis des siècles, que ces Juifs étaient italiens depuis les années 20, qu’ils furent déportés et exterminés à plus de quatre-vingt dix pour cent et que les survivants choisirent de demeurer italiens et refusèrent d’opter pour la citoyenneté grecque. Il ignorait de plus que les Juifs de Rhodes installés avant guerre au Congo étaient italiens et que, après leur départ du Congo et leur arrivée en Belgique dans les années 1960, ils conservèrent cette citoyenneté. Il ignorait aussi que leurs enfants et leurs petits-enfants le sont toujours. Il ignorait enfin que près de deux cents familles juives italiennes habitaient la Belgique.

Mon ami Roberto méconnaissait aussi le sort des milliers de militaires italiens stationnés à Rhodes. L’Italie savait que la garnison italienne de Céphalonie – six mille cinq cents soldats – avait été massacrée par ses anciens allies, mais peu ont connaissance que près de quinze mille hommes de troupe, sous-officiers et officiers  transalpins furent assassinés par l’armée allemande, que d’autres furent déportés.

L’Anpi sezione Belgio et l’Instituto Italiano di Cultura décidèrent donc que cette journée de la Mémoire 2012 commémorerait celle de la Communauté de Rhodes. Par respect pour le Chabbat, cette journée fut avancée au jeudi 26 janvier.

VUE DE LA SALLE – Théâtre du Centre culturel italien

18 heures. Une foule dense se presse déjà devant le théâtre du Centre culturel italien qui peut contenir trois cent quarante personnes. Toutes les chaises sont prises d’assaut. Beaucoup restent debout. Combien sommes-nous ? Trois cents soixante, trois cent quatre-vingt, quatre cents  personnes ?

La Rai, la télévision italienne, est présente sur place et nous interviewe Roberto et moi.

Maurizio Dessalvi, le Directeur du Centre culturel, ouvre la séance en rappelant que l’Italie fut la première nation européenne à instaurer la journée de la Mémoire par la loi 211 du 20 juillet 2000). J’aimerais rappeler le point 1 de cette loi qui fait spécifiquement mention de la Shoah :

« La Repubblica italiana riconosce il giorno 27 gennaio, data dell’abbattimento dei cancelli di Auschwitz, « Giorno della Memoria », al fine di ricordare la Shoah (sterminio del popolo ebraico), le leggi razziali, la persecuzione italiana dei cittadini ebrei, gli italiani che hanno subìto la deportazione, la prigionia, la morte, nonché coloro che, anche in campi e schieramenti diversi, si sono opposti al progetto di sterminio, ed a rischio della propria vita hanno salvato altre vite e protetto i perseguitati»

« La République italienne reconnaît le 27 janvier, date de la démolition des grilles d’Auschwitz, comme Jour de la Mémoire, afin de rappeler la Shoah (l’extermination du peuple juif, les lois raciales, la persécution italienne des citoyens juifs, les Italiens qui ont subi la déportation, la captivité, la mort, ainsi que ceux, même dans les camps divers, se sont opposés au projet d’extermination, et au risque de leur vie, ont sauvé d’autres vies et ont protégé les persécutés ».

ROBERTO GALTIERI et MAURIZIO DESSALVI

Roberto Galtieri avoue courageusement sa méconnaissance du drame des Rhodeslis, du massacre d’une grande partie de la garnison italienne et fait part de son émotion devant ses concitoyens qui choisirent de demeurer italiens à ce jour, après avoir passé par les camps ou ceux, émigrés eu Congo et venus en Belgique.

Il présente un documentaire de Rebecca Samona, inédit en Belgique, « L’isola delle Rose, la tragedia di un paradiso », qui, en cinquante minutes, à travers le parcours d’une famille, celle de la grand-mère de la réalisatrice, une juive italienne de Rhodes, mariée avant-guerre à un officier italien, narre la « tragédie de ce paradis, l’île des Roses ».

ERMINIA LICITRI

La maman de Rebecca, Erminia Licitri, a tenu à venir présenter ce film, tourné en partie en Belgique.

Roberto Galtieri souhaitait que je fasse l’historique de Rhodes.

Je salue d’abord les rescapés présents qui font preuve de courage en venant revivre leur drame. Ils sont un exemple pour nous.

Si le 27 janvier est la date de la libération du camp d’Auschwitz, je tiens à exposer les raisons pour lesquelles cette Journée de la Mémoire est importante.
Elle marque :

– le 70 anniversaire de la Conférence de Wansee (20 juillet 1942).
– le silence des Alliés et du Vatican.
– la méconnaissance de la Shoah des Sépharades en général, celle de Rhodes en particulier.
– le fait que nous soyons tous des rescapés car les nazis et leurs alliés fascistes entendaient annihiler entièrement notre peuple.
– qu’aujourd’hui l’antisémitisme est virulent et, dans certains pays comme la Hongrie, est presque un antisémitisme d’état.
– que la destruction du peuple juif est prônée de nos jours encore par des dirigeants tels que Ahmandinedjad d’Iran ou le mufti de l’Autorité palestinienne, Muhammad Hussein (cf sa déclaration à la télévision palestinienne le 16 janvier 2012…)

Notre bohora, notre aînée, Inès Daniela, brosse l’historique de Rhodes. Elle appelle Alberto Israël à prendre la parole.

ALBERTO ISRAËL

Alberto, arrivé à Auschwitz le jour de ses dix-sept ans, explique, avec infiniment d’émotion le drame de nos soeurs et de nos frères. Nous avons tous les larmes aux yeux.

DANIELA et MOÏSE RAHMANI

 

VITTORIO HASSON

Vittorio Hasson, un rescapé, nous conte, avec une verve non  dépourvue d’humour, son retour des camps et son long voyage jusqu’au Congo.

NISSIM (MICO) ISRAËL

Nissim (Mico) Israël, président de la Communauté sépharade de Bruxelles, fils de la plus jeune rescapée rhodiote, AliceTarica, libérée à 13 ans ! né au Congo, nous explique l’arrivée des Juifs du Congo à Bruxelles et leur intégration à la Communauté sépharade.

Inès Daniela, italienne de la cinquième génération, née au Congo, descendante par son arrière grand-mère paternelle de Rhodes, nous fait part de son sentiment profond d’italianité.

Le verre de l’amitié – à la muestra, pasteles, boyos, borekitas et petits sandwiches offerts par la Communauté Sépharade – a clôturé cette émouvante soirée qui a réuni des concitoyens de religion diverse unis dans le respect et avec la ferme volonté de s’opposer à toute résurgence des forces du mal.

Chaque personne recevra un livre bilingue, italien (traduit par Mirella Dayan) et français qui raconte, cette histoire. Un cahier de photos l’illustre et la liste des déportés, comme celle des survivants, est ma pierre posée sur la tombe de ceux qui n’en eurent pas.

© Moïse Rahmani                               –                              © Anpi Belgio

 

Fuente: ISE – Institut Sepharade Europeen – ESI / Moshe Rahmani

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