BIOGRAPHIE DE HAIM-VIDAL SEPHIHA par GISÈLE NADLER

Haïm Vidal SEPHIHA naquit le 28 janvier 1923 à Bruxelles (Belgique) d’une famille judéo-espagnole venue d’Istanbul (Turquie) en 1910. Son père David Nissim SEPHIHA et sa mère Esther ESKINAZI étaient restaurateurs de tapis.

Haïm Vidal SEPHIHA a eu la nationalité turque jusqu’en 1938 où il devint citoyen belge.

Il étudia dans un lycée francophone à Bruxelles. Durant ces années, il apprit le néerlandais, l’anglais, l’allemand, l’espagnol moderne, l’italien, le latin, le grec et l’hébreu pour sa bar-mitzva.

haim_vidal_sephiha1En octobre 1941, il commença des études d’agronomie à l’Institut Agronomique de Gembloux (Belgique). Le 24 novembre 1941, il en fut renvoyé du fait qu’il était juif. Le Conseil de l’Association des Juifs de Belgique (le Judenrat) décida alors de créer un centre d’apprentissage d’horticulture dirigé par Haroun TAZIEFF pour les jeunes Juifs anversois et bruxellois. Haïm Vidal SEPHIHA suivit cet apprentissage au Château de la Ramée, près de Bomal (Belgique), jusqu’en août 1942 puis il fréquenta les cours clandestins de philosophie, d’embryologie, de physique et de chimie de l’Université libre de Bruxelles donnés sous forme de conférences publiques à l’Ecole des Arts et Métiers de Bruxelles jusqu’au 1er mars 1943, jour de son arrestation par les Allemands.

Il fut interné au camp de Malines jusqu’au 19 septembre 1943 puis fut déporté par le convoi n°22 à Auschwitz Birkenau. En janvier 1945, lors de l’approche des troupes soviétiques, il fut entraîné dans la «marche de la mort» imposée par les SS en déroute. Il échoua au camp de Dora d’où, à l’arrivée des troupes alliées quelques semaines plus tard, il fut évacué par les SS vers Bergen-Belsen où il fut enfin libéré par les Anglais le 15 avril 1945.

De retour à Bruxelles, il reprit des études de chimie à l’Université de Bruxelles et en sortit diplômé ingénieur chimiste en 1948. Il travailla comme chef de laboratoire à l’Institut Chimique de Rouen jusqu’en 1950.

Cette année-là, après le décès de sa mère (survivante de Ravensbrück), son père étant mort à Dachau en avril 1945, il comprit qu’il devait rendre hommage aux siens en se consacrant à l’étude du judéo-espagnol. Il décida, donc, d’abandonner sa carrière de chimiste. En 1953, il reprit des études de linguistique, de littérature espagnole et littérature portugaise à la Sorbonne à Paris.

De 1961 à 1970, il fut l’assistant bénévole du Professeur I S REVAH.

De 1963 à 1982, il s’occupa des Editions Hispaniques de la Sorbonne tout en enseignant l’espagnol à l’E.N.I.O (Ecole Normale Israélite Orientale) de 1963 à 1969.

Il acquit la nationalité française le 10 mai 1968.

Haim-Vidal-Sephiha-05Après avoir passé sa licence et son doctorat d’espagnol, des diplômes de yiddish, de roumain et d’hébreu à l’INALCO, il enseigna à la Sorbonne. En 1967, il y assura le premier enseignement de judéo-espagnol. En 1981, après l’obtention de sa thèse d’état, il devint Professeur des Universités. En 1982, il occupa, à l’Université le PARIS VIII, une chaire de linguistique hispanique, laquelle, transformée en chaire de judéo-espagnol, la première créée dans le monde, fut transférée à PARIS III (INALCO). Dès 1972, il enseigna à l’Université Martin Buber de Bruxelles. Le professeur Haïm Vidal SEPHIHA participa à des jurys où plus de 400 étudiants soutinrent leurs mémoires et thèses hispaniques. Il enseigna à travers le monde (Allemagne, Italie, Autriche, Angleterre, Irlande, Espagne, Portugal, Grèce, Turquie, Suisse, Maroc, Israël, Chili, URSS, etc).

En juin 1991, il prit sa retraite et fut nommé Professeur Emérite des Universités. Il continua d’enseigner à l’Université de PARIS VIII et à l’Université Martin Buber de Bruxelles.

Dès 1973, il créa et anima des ateliers de judéo-espagnol à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (IVème Section Sorbonne) et, avec le soutien et l’accueil permanent de Raphy Marciano, au Centre Rachi et au Centre Communautaire de Paris.

Le professeur Haïm Vidal SEPHIHA écrivit 7 livres, 10 opuscules et plus de 400 articles sur les problématiques du judéo-espagnol et quelques articles sur les camps de concentration. Il enregistra également de très nombreux disques et cassettes sur les traditions judéo-espagnoles.

Depuis 1945, il rédigeait des articles et des chroniques dans divers journaux et revues.

En 1961, il obtint le Diplôme de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (IVème section) en y présentant son Edition et Etude comparée des versions ladinas (judéo-espagnol calque) du Livre de Jérémie de Salonique (1568) et de Ferrare (1553) non publiées.

Le ladino (judéo-espagnol calque) Deutéronome (Thèse de 3è cycle soutenue en 1970) fut son premier livre sorti en 1973.

Son deuxième ouvrage L’agonie des Judéo-Espagnols fut publié en 1977 et réédité en 1985 et en 1991.

Sa thèse d’état : Le ladino (judéo-espagnol calque) : structure et langue liturgique fut éditée en 2 volumes en 1982.

Sa théorie portait essentiellement sur la distinction précise entre le judéo-espagnol vernaculaire (djudezmo, djudyo, espanyoliko en Orient ou haketía au nord du Maroc) et le judéo-espagnol calque (ladino) qui ne se parle pas, mais qui résulte de la traduction littérale de l’hébreu en espagnol.

Le ladino est la traduction mot à mot de l’hébreu, de l’araméen biblique et des textes liturgiques faite par les rabbins des écoles juives d’Espagne. Dans ces traductions, à un mot en hébreu ou en araméen correspond un mot en espagnol (et toujours le même) à moins que ne s’y opposent des considérations exégétiques. En bref, le ladino est de l’espagnol avec la syntaxe hébraïque ou encore « de l’hébreu habillé d’espagnol ». Mises à part les différences phonétiques, morphologiques et syntaxiques mentionnées préalablement (très rares, en particulier dans les romances et les proverbes), la langue parlée, le djudezmo, (le judéo-espagnol vernaculaire) diffère de l’espagnol de la péninsule ibérique essentiellement par son archaïsme. Quant au ladino, plus archaïque encore que le djudezmo, il est le miroir fidèle des langues sacrées (hébreu et araméen), et acquiert ainsi un caractère demi sacré.

Cette théorie a été étendue à toutes les langues juives voire à toutes les hagiolangues.

Un nouvel ouvrage intitulé Le judéo-espagnol parut en 1986 dans la collection Langues en Péril qu’il dirigea.

En 1989, il écrivit avec Edgar MORIN et Monique GRAPPE NAHUM Vidal et les siens.

Les contes judéo-espagnols Du miel au fiel furent recueillis, traduits et présentés par Haïm Vidal SEPHIHA en 1992.

La même année, parut également Séfarades d’hier et d’aujourd’hui, 70 portraits, livre co-écrit par Richard AYOUN et Haïm Vidal SEPHIHA. Cet ouvrage fut aussi traduit en espagnol et édité en Espagne en 2002 sous le titre Los Sefaradies de ayer y de hoy, 71 retratos, un 71ème portrait y ayant été ajouté.

En 1979, le professeur Haïm Vidal SEPHIHA fonda Vidas Largas (association pour la défense et la promotion de la langue et de la culture judéo-espagnoles). En tant que président, il voua toute son énergie pour la reconquête, la transmission et la sauvegarde de l’héritage de la culture judéo-espagnole.

En juin 1981, lors des créations des radios libres, le professeur Haïm Vidal SEPHIHA créa avec Arlette LEVY et Michel GLOTOWSKI la première radio juive (ancêtre de Radio J). Une des émissions était consacrée à la langue judéo-espagnole et s’intitulait «Boustan sefardi», rebaptisée par la suite «Muestra lingua». Cette émission, animée depuis ses débuts par le Professeur Haïm Vidal SEPHIHA, existe toujours mais a été reprise en charge depuis 4 ans par Edmond COHEN, vice-président de Vidas Largas. Haïm Vidal SEPHIHA participa à diverses émissions, télévisées et radiophoniques, nationales et internationales.

Le professeur Haïm Vidal SEPHIHA fut le pionnier du ladino, moteur de la renaissance du judéo-espagnol dans le monde. En 1978 et 1979, il fut l’administrateur de la Société de Linguistique de Paris et, de 1986 à 1988, président de la Société des Etudes Juives.

Le professeur Haïm Vidal SEPHIHA fait autorité dans le monde entier pour la culture judéo-espagnole.

En novembre/décembre 1996, il fut l’invité d’honneur de la XIIIe Semaine Séfarade à Santiago du Chili (Chili) et intervint aux Universités de Santiago et de Valparaiso.

En 1997, l’Université de Berlin lui dédia une œuvre de 648 pages du professeur Winfried BUSSE et de Marie-Christine VAROL-BORNES intitulée Hommage à Haïm Vidal SEPHIHA.

En septembre 1997, il fut convié à donner des conférences à Buenos-Aires (Argentine) et à Montevideo (Uruguay).

Le 1er juillet 1998, il présenta avec son co-auteur Nathan WEINSTOCK son opuscule Yiddish et judéo-espagnol –un héritage européen au Parlement Européen. Ce livret fut financé et publié en français et en anglais par le Bureau Européen des Langues Moins Répandues. Ce fut une reconnaissance publique européenne de ces deux langues. Depuis, cet opuscule a été traduit en espagnol par Hélène GUTKOWSKI de Buenos-Aires (Argentine).

En janvier 2002, le professeur Haïm Vidal SEPHIHA créa avec Michel AZARIA et Gisèle NADLER l’association «Judéo Espagnol A Auschwitz» (JEAA) dont l’objet était d’obtenir l’adjonction au Mémorial d’Auschwitz Birkenau (Pologne) d’une dalle en judéo-espagnol. Cette dalle fut inaugurée le 24 mars 2003 sous la présidence de Madame Simone VEIL, en présence du ministre plénipotentiaire responsable des relations polono-juives de Pologne, des ambassadeurs et consuls généraux de France, d’Israël et des Etats-Unis. Outre ces personnalités, étaient aussi présents Joëlle Garriaud Maylam, Beate et Serge Klarsfeld, Clara et Elie Perahya ainsi que Raphy Marciano. Les télévisions, les radios et la presse, françaises et étrangères, se déplacèrent pour l’événement. 300 Juifs judéo-espagnols du monde entier assistèrent à cette cérémonie.

A cette occasion, J.E.A.A publia et distribua dans le monde entier une plaquette intitulée LES JUDEO-ESPAGNOLS Les chemins d’une communauté rédigée par Richard AYOUN, traduite en anglais par Albert GARIH et en judéo-espagnol par Haïm Vidal SEPHIHA.

En mai 2002, il fut l’invité d’honneur de l’Institut Cervantès de Bruxelles (Belgique) où il donna une conférence sur l’Espagne des trois cultures.

En juin 2002, il fut invité par les ambassadeurs d’Israël et d’Espagne de l’UNESCO au colloque organisé par cet organisme avec comme thème «Etablissement d’un programme de sauvegarde et de transmission de la langue et de la culture judéo-espagnol». Il y prononça le discours d’ouverture.

Le 2 août 2002, il donna une conférence sur une chanson traditionnelle judéo-espagnole Arvoles yoran por luvias lors d’un colloque organisé à Tarazona (Espagne).

En 2007, le Professeur Haïm Vidal SEPHIHA fit don au United States Holocaust Memorial de Washington (USA) d’une grande partie de sa bibliothèque et de ses archives, disponibles sur le site internet. Les étudiants et les chercheurs du monde entier peuvent y accéder et puiser des informations utiles à leurs travaux.

Il est intervenu entre 2008 et 2010 à quatre reprises en Espagne pour témoigner de son expérience dans plusieurs collèges dont Ibn Gabirol à Madrid.

En juin 2009, il ouvrit, à l’invitation d’Henar Corbi, le colloque de La Casa Sefarad de Cordoue (Espagne) consacré au judéo-espagnol par un discours sur le sort des Judéo-espagnols pendant la Shoah.

En octobre 2009, il traita de la problématique du judéo-espagnol au colloque de Dublin (Irlande) consacré à Al Andaluz.

En 2013, le professeur Haïm Vidal SEPHIHA est toujours un président actif de Vidas Largas et de Judéo Espagnol A Auschwitz.

Il reste très actif et :

– continue à collaborer à la revue Los Muestros de Bruxelles
– intervient très régulièrement sur les sites Ladinokomunita et Word and Sentence
– participe à divers jurys de thèses
– fait partie du jury du prix de la Mémoire de la Shoah avec Madame Simone VEIL sous l’autorité de Monsieur Théo KLEIN
– voyage dans le monde entier pour participer à des colloques et à des conférences
– fait des travaux de traduction de textes judéo-espagnols et autres pour des correspondants du monde entier
– préface et recense maints ouvrages sur le judéo-espagnol
– témoigne en tant que survivant de la Shoah partout où on le sollicite, considérant que la mémoire de la Shoah est un combat permanent.

En 2014, il interviendra au Mémorial de la Shoah et fera une conférence sur le judéo-espagnol à Salonique.

Le 4 novembre à 11h 30, il recevra des mains d’Anne Hidalgo, Adjointe au Maire de Paris, la médaille vermeil de la ville de Paris.

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