Par Jonathan Aleksandrowicz

Il avait créé la « Lettre Séfarade ». Jean Carasso est décédé le lundi 20 juin à l’âge de 91 ans des suites d’une longue maladie.
L’existence se tait, les silences gagnent. Dans chaque dernier souffle, c’est une langue qui expire. Elle s’éteint si personne ne vient cueillir son haleine d’un baiser. Ainsi en est-il de Jean Carasso. Sa disparition laisse les amoureux du judéo-espagnol face au défi de la transmission. Une langue bannie avec les juifs d’Espagne. Langue du secret avec les marranes, elle a traversé les mers, navigué vers de nouveaux mondes et des rivages plus accueillants. Et le judéo-espagnol a survécu. Dans les romances et la liturgie, il a continué de chanter les vies qui passent. Mais Jean Carasso est mort, lui qui eut « un rôle fondateur dans la renaissance du judéo-espagnol en France et au-delà », comme l’explique son ami François Azar, auteur du « Perroquet juif et autres contes judéo-espagnols ».
Né en 1925 dans une famille originaire de Salonique, rien dans son parcours professionnel ne laisse présager de l’influence qu’il aura sur le maintien de cette culture. C’est à l’heure de la retraite que son charisme entraîne dans son sillage tous les aficionados du judéo-espagnol. Symbole fort : en 1992, l’année où l’édit d’expulsion des Juifs d’Espagne a cinq cents ans, Jean Carasso crée « La lettre séfarade ». « L’idée était née après une soirée organisée sur une péniche avec ses amis saloniciens », rappelle François Azar. Entre les plats et les musiques judéo-espagnols, la réunion amicale devient un projet.
L’aventure de la « Lettre séfarade »
Cette lettre trimestrielle commence avec trois pages, en atteint vingt dès le neuvième numéro et est tirée à plus de 3.000 exemplaires. L’aventure s’arrête en 2007 après 57 numéros, mais le judéo-espagnol est bien là, tellement là, qu’en 1998, pour organiser « La fête de Joha », du nom d’un personnage burlesque bien connu des judéo-espagnols, l’association Aki Estamos (« nous sommes ici ») est créée. Une soixantaine de membres fondateurs, aujourd’hui près de 600 membres. Jean Carasso est devenu le pivot et le chef d’orchestre de ce revival qu’il étend au monde anglophone. Jean Carasso aura su transmettre cet élan. « La fête de Joha » qu’organisera Aki Estamos le 4 septembre prochain lui sera dédiée.
Fuente: actuj.com
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